Des fragments d’enfance qu’on imagine tendre et qui s’agrippent à une voix singulière, la rendant aussi émouvante qu’inimitable. C’est ce qui, de Fanny Bloom, infiltre d’emblée l’oreille et le cœur en simultané. Voilà maintenant une sonnante décennie que résonne à l’évocation de son nom quelque chose qui palpite avec force, comme une poétique synergie unissant l’exaltation à la mélancolie. Un grand verre d’eau froide par un temps tropical. Une étoffe contre la peau, ce t-shirt parfaitement coupé que l’on enfile sans cesse, sans se lasser jamais.
Depuis la parution de son premier album solo, Apprentie guerrière (2012), récompensé du Félix de l'album alternatif de l'année, l’incandescente artiste incarne, sans conteste, une pop québécoise bien ancrée dans l'air du temps. Avec Pan (2014), et grâce à un disque éponyme de réinterprétations au piano (2016), la créatrice indocile persiste et signe en dépeignant avec élégance les souvenirs qui hantent la mémoire et les beaux désirs irrépressibles. S’élève ensuite Liqueur (2018), un frais nectar aux ingrédients sucrés concocté aux côtés de TŌKI (Thomas Hébert et Julien Harbec, ses anciens comparses de La Patère Rose). Candide, coloré et rafraîchissant, cet opus de printemps précoce déverse des mélodies enivrantes, des textes légers, enveloppés de la voix vaporeuse d'une Fanny plus radieuse que jamais. Pan et Liqueur se seront d’ailleurs tous deux mérité des nominations dans la catégorie Auteur.e ou compositeur.rice de l’année au Gala de l’ADISQ.
En 2020, l’autrice-compositrice et interprète saluée lance «Cinéma», un hymne pop à l’amour, à l’abandon, à la fièvre et au plongeon. S’en suit en 2021 le balado Daniel Bélanger : Rêve encore, dont elle assure l’animation et signe la conception musicale en collaboration avec Thomas Hébert. Émerge en parallèle le maxi Rêve encore, où Fanny rend hommage au monument en revisitant, tout en humilité et en minimalisme, huit de ses immenses chansons.
Puis lui vient ce besoin ressenti d’aborder la musique avec moins d’empressement, ce désir de se poser, de réfléchir. Sur Holistique (2023), la pianiste classique de formation renoue avec son instrument, l’explorant comme jamais, dans la lenteur, dans ses moindres replis, le posant avec délicatesse et conviction au cœur de cette nouvelle œuvre, conçue dans la volonté de ne rien laisser au hasard, tout en donnant à sa musique le caractère coulant qu’elle aime tant. Des morceaux pianistiques épurés, tels que Le ciel te ressemble, dédié à son fils, côtoient sur Holistique d’évanescentes mélodies électro-pop qui se fondent dans la nuit avec leur habillage tantôt aérien, tantôt scintillants, ponctuées ça et là de cuivres.